Quels sont les mots qui s’écrivent avec un e prononcé [a] ?
Un e qui se prononce [a], en voilà un piège ! Heureusement, les mots concernés sont peu nombreux.
On trouve tout d’abord les adverbes en emment lorsqu’ils s’écrivent avec e, deux m, e, n, t. Par exemple : différemment, consciemment, précédemment.
Le reste se compte sur les doigts de la main ! Il y a d’abord femme et les mots de sa famille (sage-femme, femmelette), puis solennel et ses dérivés (solennellement, solenniser et solennité, qui prennent tous deux n), et enfin la couenne, qui désigne notamment le gras qui entoure le jambon, et son dérivé couenneux.
Signalons aussi moelle, m, o, e, deux l, e, et poêle, p, o, e accent circonflexe, l, e et leurs dérivés (moelleux, poêlon).
Un dernier mot prononcé aujourd’hui avec le son [e] se disait autrefois avec [a] : hennir, le hennissement. On disait donc le cheval [ani].
Vous aurez surement remarqué que, dans tous les mots concernés, le e prononcé comme un a précède soit deux n, soit deux m, soit deux l.
Les témoins de l’évolution
Et il y a une bonne raison à cela. En effet, ces graphies curieuses témoignent d’anciennes prononciations. Je m’explique. Vous savez déjà que la langue évolue, mais saviez-vous que la prononciation change plus vite que l’orthographe ? Dans ces mots, l’écrit a un temps de retard sur l’oral, et transcrit toujours d’anciennes prononciations. Par exemple, l’adverbe décemment a été prononcé [desɛmːɑ̃] puis [desɑ̃mɑ̃] et, enfin, [desamɑ̃], comme aujourd’hui, mais c’est toujours à la première de ces prononciations que l’orthographe actuelle correspond.
Remarque
Avant les rectifications orthographiques de 1990, on écrivait des après-ski sans s en raisonnant ainsi : « après LE ski ». On écrivait des sans-faute sans s parce qu’il n’y a pas une seule faute, quand bien même le mot serait au pluriel.
Ce raisonnement logique, qui veut qu’on décompose le nom pour chercher si le sens exige un pluriel ou un singulier, existe toujours mais les rectifications orthographiques de 1990 proposent de le remplacer par la règle que je vous ai exposée. L’autre logique qui est derrière cette nouvelle règle, et qui évite les débats stériles, c’est tout simplement que les noms au pluriel prennent la marque du pluriel, tandis que les noms au singulier ne prennent pas de marque de pluriel, et ce indépendamment de leurs référents ou des objets qu’ils désignent. Ce nouveau raisonnement n’est ni plus logique ni moins logique que l’ancien, c’est simplement qu’il se situe à un autre niveau. L’ancien raisonnement se base sur le sens, tandis que le nouveau se base sur la catégorie grammaticale. Dans le nouveau raisonnement, les noms composés d’une préposition et d’un nom sont ainsi traités comme les noms simples.