Polo en Équateur

L’Amérique du Sud nous attend et, étrangement, nous sommes de retour, Anthony et moi, à l’aéroport de Paris, en provenance, pour mémoire, de l’île de la Réunion… pour prendre quasi clandestinement un bus en direction de Madrid où un avion espagnol nous déposera à Quito, capitale de l’Équateur. Ça commence fort !

De vous à moi, après la chaleur humaine des ultramarins de la Réunion, les Européens ont quand même des airs de lendemain de fêtes qui déchantent, la barre au front d’avoir trop obéi à l’injonction sanitaire. Dans le même temps, test PCR en poche, on se retrouve à prendre un café tout seuls au cœur d’un village espagnol. Alors on se regarde, Anthony et moi, son Polo d’amour, et on se donne un sourire à la Indiana Jones pour franchir nos prochaines destinations. Nous ressemblons à des guerriers papous, avec nos masques, entre deux contrôles viraux ! Baisse la tête, Anthony ! Et fonce, on dirait Poupou ! Dis bonjour au douanier équatorien quand même, on sait jamais !

Quito, c’est haut. C’est même très haut puisque la ville est à 2850 mètres d’altitude. Douceur ambiante et pauvreté monotone se côtoient dans un même lit géographique. Une ville en plein chaos. Là-bas aussi, la crise du virus venu de nulle part a profondément abîmé les structures sociales. La population en est presque aphone. Un comble pour nous qui rencontrons dans quelques heures Charline Lagarde, directrice pédagogique de l’Alliance française de Quito. 

Charline, elle est top. Elle connaît son métier par cœur. Je suis subjugué par sa passion de l’apprentissage. Encore un peu et le Polo lui fait la cour ! Depuis trois ans, Charline assure le suivi des apprenants de langue française en modernisant l’outil… Fini le « tronche-tronche » de l’Ancien Monde. Désormais, on crée de l’hybride ! Plateforme numérique et présentiel à temps partiel, mise en place de tutorat en ligne, Grammaire par-ci, Conjugaison par-là, Compréhension en face, Lexique et Phonétique devant ! Un vrai labyrinthe d’adaptation et de technologie pour notre belle langue.

Bouche bée. Je suis bouche bée devant Charline expliquant avec simplicité l’autonomisation de l’apprentissage via le numérique dans un continent culturel où chaque élève, chaque étudiant est habitué à suivre les directives d’un enseignant de visu. Un défi pour l’Alliance française de passer des salles de cours à des salles d’apprentissage en ligne et surtout en Équateur. Parce que l’Équateur, c’est aussi deux continents sociaux séparés par des lignes géographiques : au nord de la ville de Quito, les écoles privées à 3000 dollars par mois, avec ordinateur portable individuel et pantalon chic et, au sud, les écoles publiques où les maîtres ne sont parfois pas payés pour éviter aux élèves des frais supplémentaires, des salles de 60 enfants sans matériel pour apprendre quelques mots de leur propre langue… Difficile d’apprendre le français quand l’horizon est aussi proche de la précarité !

Alors l’Alliance française fait ce qu’elle peut. Elle certifie les enseignements dans les collèges, elle conclut des accords avec l’université, elle organise des conférences scientifiques ou des séances de cinéma gratuites pour tous les Équatoriens qui le souhaitent. C’est aussi une importante médiathèque, des déjeuners littéraires, une vie culturelle et artistique… Et vous savez quoi ? Aussi incroyable que cela puisse paraître, les Alliances françaises, qui diffusent un morceau de francophonie dans le monde, sont des associations ou entreprises de droit local qui s’autofinancent !  Et vous savez quoi ? Chapeau bas et grand respect à Charline et à tous ses collègues de travail ! Parce qu’ils sont plus de 3000 apprenants à suivre les cours de l’Alliance française à Quito. Oui Monsieur ! 5000 inscriptions annuelles pour 3000 étudiants. Bravo Charline !

« Les apprenants sont jeunes », nous dit Charline. Entre 16 et 22 ans en majorité. Avec le désir de s’ouvrir des portes. De pouvoir s’inscrire dans une université française. Pour accroître son développement personnel. Ou plus simplement pour immigrer au Canada. Ici, l’Alliance française s’adapte à la demande en proposant diverses modalités pédagogiques. Et le numérique a ceci de fabuleux qu’il réduit un peu la fracture sociale et économique même si, là encore, être autonome en apprentissage est un long parcours en Amérique du Sud, surtout quand on mesure à quel point le réseau électrique est à bout de souffle.

Bien sûr, il existe aussi d’autres formes d’apprentissage du français à Quito dispensées par les universités et des acteurs locaux. Le français est la seconde langue d’enseignement après l’anglais dans ce pays un peu loin des grandes métropoles francophones. C’est chouette de se dire que le français est une langue au long cours dans ce petit pays réputé pour ses îles. Mais si ! Vous savez ! Les îles Galápagos, là où M. Darwin, l’Anglais, a botté les fesses de M. de Lamarck, le Français. Deux théoriciens de l’évolution…

Et vous savez quoi ? Anthony m’a présenté physiquement à Mademoiselle Charline ! Je suis aux anges. C’est dingue ! Et vous savez quoi ? Elle a apposé sur mon verso sa signature. Oui Monsieur ! Trop fier, le Polo ! Et vous savez quoi ? On est partis dans la foulée aux Galápagos et là, je suis en pleine observation animalière. Je ne sais pas encore où cela nous mènera, mais une chose est sûre, c’est que, même au bout du monde, portable sous le bras, je continue de suivre des cours de français sur Orthodidacte pour vous décrire toutes nos chouettes aventures ! Oui Monsieur ! Même ici, au bout du monde !

Polo