Polo – Le cartel de Medellín et autres leçons de géographie

Et voilà ! Je lui avais pourtant dit que j’étais pas trop chaud pour tâter du guerrero et autres joies paramilitaires de la Colombie à notre Anthony… mais il n’en fait qu’à sa tête, le costaud ! De toute façon, j’ai pas le choix : je suis sur son dos !

Medellín, c’est la ville de Pablo Escobar ! Le baron de la drogue, le Raoul des Picaros, le ventilateur façon puzzle et autres anecdotes des réseaux commerciaux de l’Outre-Tombe… ça fout la pétoche mon garçon !

Mais de peur, point de rencontre en fait. Nous traversons surtout des ruelles animées, bruyantes et joyeuses comme partout en Colombie. À un détail près dans cette ville : le fameux quartier de la Comuna 13. Le quartier de ceux qui meurent pour des causes utopiques mille fois répétées. Produisant toujours les mêmes effets. Des orphelins, des disparus, des « ceux qui laissent » et des « ceux qui prennent », selon la belle expression de Daniel Quinn.

Petit rappel historique pour ceux qui ont oublié… La Comuna 13 fut le quartier le plus dangereux du monde jusqu’à ces dernières années… où se croisaient les guerreros, les milices paramilitaires, les narcotrafiquants, les élus politiques et leurs polices attitrées… et les morts, toujours les morts… plusieurs centaines par an pour à peine cent mille habitants… jusqu’au grand massacre de l’an 2012 où l’État colombien reprend le quartier avec ses hélicoptères sortis tout droit d’Apocalypse Now et ses rafales d’armes automatiques sur quiconque bouge, sort ou pleure… Mille cinq cents. Tel est le nombre de victimes du principe du « force à la loi »… Rien qu’à y penser, ça fout la pétoche mon garçon !

Mais Anthony et moi, ce qu’on voit aujourd’hui, c’est un quartier qui vit sur son passé avec ses guides touristiques, ses produits dérivés d’une histoire mise en scène et l’intervention massive de la puissance publique pour l’accès à l’éducation et à la culture avec l’objectif de sortir les jeunes de ces destins prévisibles de marchands de drogue. Ça, c’est plutôt chouette de donner une chance aux gamins des rues même si tout cela reste fragile… On sent bien dans le regard des gens que la paix est un vernis fragile… Tel est Medellín aujourd’hui. Et c’est dans ce Medellin occidentalisé que nous rencontrons Santiago, jeune étudiant en ingénierie physique, échangeant dans un français très correct appris en partie sur les bancs de l’Alliance française…

Santiago a commencé le français en 2018. C’est sa petite amie qui l’encourage à apprendre cette langue. Pour un jour aller en France, en Belgique ou au Canada. Travailler là-bas. Qui sait ? Et puis Santiago s’est dit que l’espagnol et le français ont la même origine latine et que c’était plus facile à apprendre. Alors il s’est inscrit à l’Alliance française et, durant une année, à raison de neuf heures de cours par semaine, il a étudié et travaillé la langue…

Comme partout en Amérique latine, les difficultés économiques ont parfois raison des rêves. Depuis l’an 2019, il poursuit seul son apprentissage en s’appuyant sur des applications d’échanges linguistiques. Pour discuter et parler avec une personne de langue française. Mais c’est difficile de discuter de manière nourrie avec un inconnu numérique… alors Santiago nous dit qu’il a postulé à un programme Erasmus en physique nucléaire pour un master en deux ans dont un an en France et un an en Belgique. Il se dit que s’il est le seul candidat latino-américain, il aura sa chance… peut-être…

En attendant, on parle pain et croissant avec Santiago. Oui oui je vous assure. Une demi-heure de discussion entre Anthony et lui sur le pain. Vous y croyez, vous ? Et le pain est plus sucré ici, oui mais il est plus croustillant là-bas, et patati et patata… ça m’a donné faim tout ça ! Parce qu’apprendre le français, c’est sympa, mais le français, c’est aussi manger ! Oui mon garçon ! En tout cas, on est tous tombés d’accord : les croissants les meilleurs, c’est ceux de France !

Santiago nous a tellement donné une leçon de courage face à l’adversité avec son récit de vie qu’on a tenté un petit quelque chose… hop ! un petit coup de fil rapide au big boss d’Orthodidacte de la part de Polo… et hop ! Santiago apprendra le français gratuitement avec la plateforme Orthodidacte…

« Je suis quand même le tee-shirt le plus sympa de toute l’Amérique du Sud ! Vous trouvez pas ? »

Et qui sait ? Avec une telle volonté, notre ami Santiago intégrera peut-être Erasmus l’an prochain. Prends soin de toi, mon ami ! Et mets ta signature sur mon Polo !

On a quitté notre copain Santiago un peu tristes. Comme souvent. Les amis restent et les souvenirs s’enfouissent au creux de nos cœurs. Alors, avec Anthony, on a grimpé. Marché et grimpé encore des escaliers jusqu’à plus soif pour ne plus y penser. Jusqu’en haut de la Piedra, pic rocheux surplombant la ville…

Et en haut, tout là-haut, on a vu loin… là-bas vers la mer des Caraïbes… d’abord Santa Marta et son farniente au bord des palmiers sur des plages désertées… puis notre rencontre sur les hauteurs au sein du peuple des Kogis, luttant chaque jour pour préserver leurs traditions et leurs terres montagneuses… toujours la même histoire de « ceux qui prennent et ceux qui laissent »… les langues sont toujours des morceaux d’anthropologie au final… parler et écrire… littérature de vie pour se raconter… ou se laisser étonner par les mots…

Connaissez-vous le mot « égrégore » par exemple ? Pour vous aider, une indication : puisque tous nos amis proches et en qui nous plaçons notre confiance nous ont déconseillé de nous rendre à Carthagène, nous traversons cette ville avec un sentiment partagé de défiances et de découvertes… cette ville possède pourtant un caractère historique et civilisationnel fort… conséquence d’un égrégore ?

Allez, on vous laisse naviguer sur le dictionnaire d’Orthodidacte ici !
À bientôt les amis ! Attachez vos ceintures et à nous la Bolivie !